Dans Ghost of Yotei, l’une des surprises les plus marquantes ne vient ni d’un combat, ni d’un rebondissement scénaristique, mais d’un instrument traditionnel japonais : le shamisen. Importé de Chine à la fin du XVIème siècle, sa mélodie unique le rendra rapidement populaire auprès des artistes de rues et des geishas. Utilisé par la suite pour créer une atmosphère mystique au cœur des cérémonies du thé ou amplifier l’émotion des scènes les plus dramatiques du théâtre kabuki, il rencontrera un large public, ce qui l’inscrira définitivement dans le folklore japonais.
Loin d’être un simple élément décoratif pour Atsu, héroïne de Ghost of Yotei, il s’impose comme un véritable moteur émotionnel et narratif, présent tout au long de la quête du personnage principal. Une approche rare, qui donne à la musique un rôle presque spirituel dans l’expérience de jeu.
Un héritage maternel, fil rouge de la narration
Le shamisen apparaît très tôt dans l’histoire, au cœur des souvenirs d’enfance du personnage principal. Transmis par sa mère, il devient immédiatement un symbole d’intimité et de partage, bien plus puissant qu’une arme. Une fois plongée dans sa quête de vengeance, l’héroïne continue d’honorer la mémoire de sa mère et ne cesse de jouer, comme pour entretenir un dernier lien avec son passé. Cette transmission familiale apporte une profondeur émotionnelle au personnage : chaque mélodie rappelle que derrière la guerrière, il se cache une enfant marquée par la perte. Le shamisen n’est pas là pour divertir le joueur, il fait office de narrateur.
Communiquer sans mots : entre l’humain, l’animal et le monde
Plus surprenant encore, Ghost of Yotei utilise le shamisen comme un langage universel au sein du jeu. Et c’est là que la magie opère : une communion entre Atsu et la musique fait naître une complicité évidente avec la nature. Lorsqu’une mélodie est jouée afin de trouver un point d’intérêt spécifique du jeu, le vent répond à l’appel du joueur, et le guide avec délicatesse vers l’objet de son désir. Il peut également se servir de son instrument pour apaiser un ourson, ou communiquer avec le loup qui l’accompagne. Là où d’autres jeux misent sur les cris ou les ordres, celui-ci choisit la musique pour instaurer un lien silencieux entre l’humain et l’animal.
Ces séquences bouleversent les codes habituels du jeu d’action : dans un monde de violence, le shamisen devient un instrument de paix. Il rappelle que le personnage, malgré le sang versé, cherche encore à être compris par un monde qui ne parle plus sa langue.
Avant la mort, la mélodie : un rituel rare dans le jeu vidéo
L’un des usages les plus marquants du shamisen apparaît juste avant certains affrontements décisifs. Plutôt que de foncer tête baissée, le personnage s’arrête, s’assoit près du feu, et joue. Un moment suspendu, presque sacré, avant que sa lame ne s’abatte sur ses ennemis.
Ces quelques notes jouées transforment le combat en rituel. Il n’y a plus de glorification de la violence, mais une conscientisation qu’un sacrifice est nécessaire. Une manière de faire admettre au joueur que chaque ennemi, même honni, est une âme à envoyer vers l’autre rive afin d’accomplir sa vengeance.
Le contrepoids de la vengeance : la musique comme conscience
Tout au long de Ghost of Yotei, le shamisen apparaît dans les moments de solitude, créant une atmosphère propice à l’introspection. Témoins des peurs et des traumatismes d’enfance d’Atsu, il l’accompagne et l’apaise dans sa quête. Dans un univers qui aurait pu se contenter d’armes et de fureur, ce choix artistique fait du shamisen un véritable personnage secondaire. Là où d’autres jeux misent sur l’adrénaline, Ghost of Yotei ose la pudeur et la contemplation.
En intégrant le shamisen au gameplay, au scénario et à l’identité du personnage, Ghost of Yotei réhabilite une dimension rarement exploitée dans le jeu d’action : le silence, le rituel, l’humanité. Ce n’est pas seulement une feature : c’est une signature.
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