Deux ans. Il aura fallu presque deux ans pour que le rachat d’Activision-Blizzard par Microsoft soit validé par tous les régulateurs principaux : après l’Union Européenne, il restait la Competition and Markets Authority (CMA) du Royaume-Uni à convaincre. C’est désormais chose faite. Le vendredi 13 octobre, dans un dépôt réglementaire de Microsoft, a été annoncé l’accord définitif de la CMA. Pour rappel, ce sont 68,7 milliards de dollars qui sont en jeu.
Cependant, cet accord n’a pas été atteint sans peine : l’organisme britannique a obtenu une régulation sur les droits de diffusion des jeux en cloud gaming. Cette régulation interdit à Microsoft de faire des licences principales d’Activision des exclusivités sur le service de cloud gaming d’Xbox. Cela concerne notamment la licence qui préoccupait le plus Sony, principal rival de Microsoft dans cette affaire, Call of Duty.
Cette régulation prend forme dans la vente des droits de diffusion par cloud des licences d’Activision à Ubisoft. Ubisoft sera alors en capacité de décider qui sera autorisé à diffuser les jeux d’Activision sur leurs services. Cette décision vaudra également pour tous les titres à sortir dans les quinze années à venir.
Un prix qui peut paraître important, mais qui est pourtant bien peu comparé aux avantages que l’acquisition octroie à Microsoft. En plus d’avoir dans la poche les licences majeures d’Activision-Blizzard, Microsoft met également un pied dans le marché mobile avec les licences de King, comme Candy Crush.
Alors, maintenant que l’accord est approuvé, Microsoft commence déjà à tracer ce nouveau chapitre dans l’histoire d’Activision-Blizzard. Il a déjà été annoncé que Bobby Kotick conserverait sa place au sein de l’entreprise jusqu’à la fin de l’année 2023. Une décision controversée : si Bobby Kotick est à la tête d’Activision depuis 1991, ce n’est pas sans son lot de controverses, dont beaucoup ont éclaté publiquement ces dernières années.
Lors de l’été 2021 notamment, un scandale avait éclaté suite à une enquête de la justice américaine sur les conditions de travail des employés de l’entreprise. Il y avait été révélé de nombreux faits de harcèlement, voire d’agression sexuelle. Bobby Kotick avait quant à lui été épinglé par le Wall Street Journal : un rapport y établissait qu’il était au courant de l’environnement toxique au sein entreprise sans en informer le conseil d’administration.
Cependant, face à de simples allégations, rien n’avait empêché Bobby Kotick d’être réélu à la tête de l’entreprise en 2022. Plus encore : le procès attenté à Activision-Blizzard suite à l’enquête sur l’environnement de travail avait été résolu à l’amiable, après que l’entreprise avait offert 18 millions de dollars à la justice américaine.
Il devra désormais répondre à Phil Spencer, qui dirige la division jeu vidéo de Microsoft. Rien n’est certain au-delà de cette fin d’année, suite à son départ. Après plus d’une trentaine d’années dans ce rôle, difficile de savoir ce qu’il adviendra d’Activision-Blizzard maintenant que le studio est sous la houlette de Microsoft.
De plus, Microsoft a également communiqué sur le Game Pass. Y retrouver les jeux Activision-Blizzard, ce ne sera pas pour tout de suite. Bien que Microsoft veuille bien entendu profiter le plus vite possible de son nouveau catalogue, il ne faudra pas s’attendre à voir des titres comme Diablo IV ou Call of Duty: Modern Warfare III avant 2024.
« Bien que nous n’ayons pas prévu de mettre Modern Warfare III ou Diablo IV sur le Game Pass cette année, une fois que l’accord sera confirmé, nous devrions commencer à travailler avec Xbox pour apporter nos titres à plus de joueurs dans le monde. […] Nous anticipons que ces jeux devraient commencer à être ajoutés au Game Pass au cours de l’année prochaine. » Activision-Blizzard, annonce presse
Cette acquisition est historique, tant par la somme mise en jeu par Microsoft que par ce qu’elle implique pour l’industrie : ce n’est pas pour rien qu’il aura fallu presque deux ans pour qu’elle soit validée. Les enjeux qui s’expriment à travers cette affaire concernent bien entendu d’abord les personnes qui font les jeux : développeurs, artistes, studios tout entiers, mais il est évident que cela aura également un impact sur l’expérience du consommateur.
À travers ces négociations et discussions avec les instances de régulation internationales, c’est bien ce qu’il se jouait, Sarah Cardell, directrice générale de la CMA, affirmait au Financial Times :
« Nous sommes la seule agence internationale à avoir atteint ce résultat [de limiter les droits d’exclusivité sur le cloud gaming] et c’est un réel bénéfice pour les joueurs du Royaume-Uni. Nous ne serons pas affectés par de l’influence d’entreprise. »
Le but premier des instances de régulation internationales, c’est de s’assurer qu’il n’y ait pas de monopole. Une situation de monopole, où une entreprise règne en maître sur un marché, est problématique : puisqu’il n’y a personne pouvant avoir une offre similaire, il n’y a rien qui l’empêche de monter ses prix, ou de proposer un service avec une qualité réduite.
Pour ce qui est d’Activision-Blizzard, le studio est loin d’être sorti d’affaire. Au contraire, au delà de la nouvelle ère qui s’annonce, avec le départ de Bobby Kotick en plus d’avoir été affilié à Microsoft, il est probable, dans un avenir proche, qu’on entende parler de potentiels licenciements. Beaucoup citent, comme raison, le fait que certaines positions deviennent redondantes, notamment celles de managers ou de chefs d’équipe.
C’est également le climat général qui mène de nombreux acteurs de l’industrie à supposer qu’il y aura des licenciements : que ce soit Epic Games, Naughty Dog ou Unity, l’année 2023 est marquée par de nombreuses vagues de licenciement dans de nombreux studios. Ces vagues de licenciement ne prennent pas en compte les tactiques mises en place par des studios moins scrupuleux pour se débarrasser de leurs employés lorsqu’ils en ressentent le besoin.
Difficile d’être certain de la direction que prendra Microsoft avec les studios qui viennent d’être acquis. S’il est certain que les titres d’Activision-Blizzard vont agrandir les rangs d’Xbox, il sera peut-être compliqué d’ajuster la division jeu vidéo de Microsoft face à un tel ajout. Ce qui est certain, c’est que cette acquisition rebat les cartes, et que certains constructeurs rivaux devraient peut-être revoir leur stratégie, pour le moins décevante sur cette génération.
Jim Ryan démissionne – PlayStation a perdu sa tête
Poulet
Activision – Bobby Kotick réélu, quid des promesses d’offrir un lieu de travail respectueux ?
Loriynn
Activision – Enfin des droits pour les travailleurs ?
DracoSH