Kickstarter est un vivier à projets qui, sur le papier, brillent souvent d’ingéniosité mais qui souvent, une fois manette en main, s’effondrent sous le poids de l’ambition de leurs développeurs ou pire, se révèlent n’avoir été que mensonges dont le but était d’attirer nos précieux deniers. Aujourd’hui, un des élus de cette méthode de financement nous arrive entre les mains en la personne de Battle World: Kronos sur Nintendo Switch. Les promesses sont à nouveau très belles. Hommage à un genre qui n’est plus aussi présent aujourd’hui, on retrouve dans les longues lignes de description du titre, un tribut à ces grands noms de la stratégie que sont Advance Wars et Command and Conquer. Mais en image, on lui trouve un je ne sais quoi de Total Annihilation ou même de Civilization… Bref, de biens belles promesses jusqu’ici. Cependant, si jusque là tout ça sonne très bien, dans les faits, comment s’en sort le dernier né de King Art Games ? C’est ce que nous allons voir !
Le futur, encore une fois, ça craint…
Bienvenue bien loin de notre Terre, aux confins de l’espace, dans un monde sur le point de vaciller dans une guerre totale. Après une paix relative de plus de 200 ans, deux factions politiques s’opposent afin de savoir qui prendra le pouvoir. Bien entendu, aux grands maux les grands remèdes, inutile de chercher à discuter, laissons les armes présenter les meilleurs arguments. Ah… la politique ! Ce sujet qui divise le monde et qui sert ici à rien de plus qu’un prétexte de campagne… Oui, l’histoire tient plus du mémo laissé sur un post-it que d’un scénario à proprement parler et c’est en effet un des points faibles du titre sur lequel on démarre d’entrée. Mais pour le coup c’est voulu aussi, c’est eux qui ont démarré sur cette note…
Effectivement, le titre démarre directement, après un menu des plus austères, sur une cinématique d’une qualité moyenne (vers le bas quand même, surtout comparée à la qualité générale des graphismes d’aujourd’hui) et qui nous présente le pitch du titre. Bien entendu, peu de choses à tirer de plus de celle-ci si ce n’est qu’elle en indique pourtant beaucoup sur ce qui va nous être offert au travers du titre. Oui, sa qualité est de sorte très moyenne avec de longs plans quasi statiques et des modèles 3D dignes de ceux d’un apprenti utilisateur sur Blender (on exagère à peine mais on n’en est pas loin…). On relèvera quand même un effort pour nous francophones et francophiles. Les cinématiques bénéficient de doublage intégralement en français (chose assez rare pour être soulignée). S’il n’est pas d’une grande qualité, épousant par le fait celle des graphismes, ça reste une intention touchante qui aura su trouver écho à notre cœur désolé.
Parce que oui, dès les premières secondes dans le titre, de nombreux soucis sont apparents. L’austérité des menus, la pauvreté des textures, les graphismes largement en deçà de ce qui se fait de nos jours… On est plus ici loin de l’hommage que proche de la copie de ces vieux titres de stratégie qu’on nous vend avec le soft ici. Effectivement, Battle World: Kronos n’est pas inspiré mais mimique allègrement ces jeux anciens qui nous rappellent que l’ère des débuts de la 3D est très bien là où elle est. Ajoutons que la bande-son est des plus neutres. Au moins, elle ne rend pas l’expérience imbuvable. Ensuite, l’habit ne fait pas le moine donc, l’expérience en vaut-elle la chandelle ?
Du classique et du challenge
Si supporter des graphismes dépassés ne vous empêche de profiter d’un bon titre, on va pouvoir s’attaquer à l’aspect principal de tout bon jeu de stratégie… la stratégie ! Battle World: Kronos est un jeu de stratégie au tour par tour des plus classiques. Seule différence : vous déplacez vos unités sur une grille façon hex (plutôt que des carrés, il s’agit donc bien d’hexagones). On retrouvera toutes les unités classiques au sein des différents modes comme des robots d’infanterie pouvant capturer des bâtiments, des véhicules dont le blindage influe sur le déplacement, des unités d’artillerie et autres aéronefs ou navires de combat. Tout y est, pas de surprise sur ce plan. Chacune de ces unités possède deux tours distincts. Le premier correspond donc au déplacement et le second à l’attaque. Notez cependant que vous pouvez dépenser le tour d’attaque de vos unités pour couvrir plus de terrain.
Voilà, vous avez bien tout retenu ? Parce que le soft estimera que oui. Effectivement, pas de tutoriel ici. Rien de plus que quelques fenêtres de dialogue distillant des règles, la première étant la seule que vous allez retenir : Battle World: Kronos est un titre difficile. Oui, le jeu vous prévient. Et il ne ment pas en plus. L’IA ne pardonnera pas votre erreur. Les règles, elle les maîtrise et elle vous attend. Dès que vous entrez dans leurs zones d’activités, les unités ennemies feront pleuvoir sur vous des torrents de missiles et de véhicules afin de vous démolir. Un peu cheap avec du recul parce qu’une fois étranglé par les forces ennemis, on en vient à se demander si le soft est juste difficile ou s’il l’est parce que les ennemis sont placés de sorte à ce qu’ils soient en avantage… Dans tous les cas, il vous faudra vite vous acclimater.
Pour ça, 2/3 choses à savoir. Tout d’abord, comprendre les règles. Classique, tous les terrains possèdent de la couverture. Plus le terrain est couvert, moins vos déplacements sont amples mais cela amoindrira les dégâts encaissés en cas d’attaque. Ensuite, vos pions bénéficient de bonus s’ils sont les uns à côté des autres. À vous de les placer de sorte à en profiter. Enfin, lorsque vous détruisez un adversaire, il reste sa carcasse, la case est donc inutilisable pour toute unité sur le terrain. Mais en vrai, ce n’est pas tout. Il vous faut aussi comprendre vos unités en place. Chacune possède bien sûr ses propres attributs, forces et faiblesses. À vous de les prendre en considération. Cependant, vous allez souvent avoir à vérifier que ce sont bien les bonnes car l’esthétique est si paresseuse qu’il est difficile de les différencier les unes des autres de prime abord (et le petit écran de la console n’arrange pas le problème, bien au contraire).
Défis inattendus
Malheureusement, on n’en a pas encore terminé avec les doléances… Oui parce qu’ici, on va aborder le pire : l’équilibrage. Le soucis majeur de Battle World: Kronos, c’est ses longueurs. Effectivement, le titre propose des niveaux très longs, cassant par conséquent les codes et le principe même de la machine. Chacune des missions peut environ prendre une heure (si ce n’est plus). Au cours de cette dernière, afin de garder vos cellules grises alertes, les objectifs changeront. Tantôt en attaque, tantôt en défense et parfois même en escorte (oui non, on a dit « escortE »), les changements sont positifs et apportent réellement une plus-value certaine mais à quel prix. Parce que oui, si ça fait déjà 2 heures que vous êtes sur la mission, et que vous la plantez à cause d’une petite erreur de placement, c’est retour case départ pour celle-ci… Alors, heureux ? Non, vous suivez.
Du coup, non seulement il peut être difficile d’enchaîner les missions sur un sitting, mais en plus, il est difficilement concevable d’allonger ses parties en étant dans les transports en commun… Ajoutons à ça que si vous êtes dans des bouchons, la vitesse d’action des véhicules en jeu vous donnera l’impression que la Terre a décidé de s’arrêter (il n’y a pas que Microsoft qui peut invoquer/évoquer Keanu Reeves) !
Et pourtant, cette version Switch propose quand même quelques nouveautés pour les utilisateurs de la console. Effectivement, grâce à son hardware, la machine permet aux utilisateurs de manipuler le champ de bataille du bout des doigts ce qui est un plus certain. Ainsi, la navigation, la sélection et le parcours des menus s’opèrent bien plus naturellement qu’avec les boutons (oui, les contrôles aux boutons ne sont pas exceptionnels côté précision, la faute étant principalement due au choix de la forme des cases et de l’UI complètement obsolète selon les standards d’aujourd’hui).
Enfin, terminons, si vous le permettez sur une bonne note. Battle World: Kronos propose quand même pas mal de contenu. Si un mode escarmouche est forcément de la partie, proposant de vous opposer aussi bien à un adversaire contrôlé par l’ordinateur mais aussi avec un ami en local (oui, pas de mode online sur Switch, une aberration selon nous mais ça doit être un choix lié à la nature portable du hardware), on trouve aussi au sein de ce dernier 2 campagnes complètes et ce pour une soixantaine d’heures de jeu. Ensuite, il faut rappeler, les 60 heures en question, on les a évoquées juste au-dessus en insistant un temps soit peu sur les longueurs qu’elles apportent.
Battle World: Kronos n’est pas un mauvais titre mais il est loin d’être excellent. Si on n’est pas allergique à la pauvreté des graphismes, le titre peut s’avérer agréable à jouer et propose du challenge aux puristes au travers de ses longues campagnes et de ses mécaniques de stratégie léchées.
Mais la lourdeur du gameplay et la durée de chaque mission couplées à une difficulté plutôt élevée (même s’il reste des options pour contourner le soucis en jeu) peuvent rendre l’expérience globale pesante et ennuyeuse par moment. Il s’agit avant tout d’un jeu à recommander aux fans de stratégie. Les autres pourront attendre gentiment une baisse de prix avant de se lancer dans le combat.