Même si le Ragnarök est sur toutes les lèvres et que certains se prennent déjà à rêver de la suite, il ne faut pas oublier que la saga God of War s’approche doucement, mais sûrement de ses vingts ans. Forte de huit jeux étalés de la PS2 à la PS5, en passant par la PSP, cette dernière s’est forgée une réputation d’exclusivité solide au fil des années. Malheureusement, même si Kratos aura su nous gratifier de jeux de qualité, il y en a un qui semble avoir plus divisé que les autres. God of War: Ascension, sorti en 2013 sur la fin de vie de la PS3, n’aura pas su ravir tous les fans du dieu de la guerre. Même si le chemin de la licence semblait être sur de bons rails, où le fil du destin s’est-il accroché pour subir ce soubresaut ?
Vous l’avez compris, nous reviendrons aujourd’hui sur les raisons qui ont fait que cet opus, pourtant pas dénué de qualités, aura envoyé Kratos en vacances pendant un moment, avant que ce dernier ne revienne en 2018. Lames du chaos aux poignets, plongeons dans le Styx afin d’y repêcher God of War: Ascension.
Une claque, c’est oui ; deux claques, c’est trop
Une des raisons les plus simples qui pourrait expliquer ce manque d’engouement autour du titre serait le fait qu’il passe après la claque monumentale qu’était God of War III. Combats grandioses, gameplay au poil et graphismes à tomber par terre, la conclusion de la trilogie de la vengeance avait su marquer les joueurs et ancrer Kratos comme icône du jeu vidéo.
Et c’est peut-être ce qui aura causé du tort à God of War: Ascension, ce dernier donnant l’air de se reposer sur ses acquis. Surtout, c’est le fait que le titre revient sur des éléments du passé de Kratos, habituellement réservés aux opus PSP, considérés comme des spin-offs dispensables à la compréhension de l’histoire, qui aura laissé penser qu’il ne s’agissait que d’un épisode à part. Les joueurs ont dû sentir que les développeurs souhaitaient capitaliser sur le succès éclatant du troisième opus, dont la fin ne leur permettait peut-être pas de rebondir tout de suite.
Et c’est ainsi que God of War: Ascension sort, sans réelles grosses nouveautés et proposant, certes, exactement que ce que l’on vient chercher quand on parle de God of War, mais c’est peut-être là le problème. Il s’agit du sixième titre utilisant la même formule en moins de dix ans, et les joueurs semblent commencer à se lasser, d’autant plus que cet opus propose une fonctionnalité que très peu de personnes, pour ne pas dire aucune, n’avait vu venir.
Les dieux de la guerre : pourquoi ?
La grosse nouveauté, sans doute discutable, de God of War: Ascension n’est autre qu’un mode multijoueur. Oui, vous avez bien lu : une expérience compétitive à plusieurs fut introduite dans la licence, essentiellement connue pour être une série uniquement solo. Un choix étrange, mais qui s’explique par le fait que le jeu vidéo commençait à entrer dans cette phase qui ne s’est jamais vraiment arrêtée où chacun voulait son mode multijoueur.
Rappelons également qu’à cette époque, le multijoueur de la PS3 est encore totalement gratuit, et Sony avait donc décidé de trouver une parade à ce manque à gagner : le pass online. Si vous achetiez le jeu en occasion, vous étiez alors obligés de vous délester de dix euros afin de pouvoir prétendre faire parler vos lames avec vos amis. Par ce biais, le géant nippon trouvait une façon détournée de faire payer son jeu en ligne et, du même coup, luttait contre le marché de l’occasion.
Loin d’être un mauvais jeu, ce God of War: Ascension a indirectement fait les frais de ce modèle économique discutable, qui fut vite abandonné, bien heureusement. Mais avec la lassitude des joueurs, le mode multijoueur dispensable et le manque de réelles nouveautés dans le gameplay, une question se posait alors : comment sauver God of War du naufrage annoncé ?
Faire table rase du passé, se tourner vers l’avenir
Cory Barlog. Ce nom ne dit peut-être pas grand-chose aux néophytes de la licence, mais pour les autres, il est synonyme de qualité. Après le lancement de la licence par le grand David Jaffe, créateur de Twisted Metal, il fut celui chargé de continuer l’histoire de Kratos avec God of War II. Quittant le navire au milieu de l’excellent God of War III, il tourna le dos un temps au dieu de la guerre.
Après l’échec auprès des joueurs de l’opus Ascension, il revient au studio, le crâne bourré d’idées pour redonner son souffle de vie à la saga. Pour Cory Barlog, le constat est simple : si on veut sauver Kratos, il faut tout changer. La formule éculée du beat’em’up bourrin et sanguinaire a fait son temps, et l’heure est venue de conter une nouvelle histoire pour Kratos.
En s’inspirant de sa récente expérience en tant que père, il imagina un Kratos façonné par des années de lutte, ayant fondé un nouveau foyer dans les contrées nordiques, bien loin de sa Sparte natale. L’ancien dieu grec entamera ainsi un voyage initiatique, autant pour lui que pour son fils, Atreus, afin de respecter la dernière volonté de sa femme à qui l’on offre le repos au début du jeu.
Le gameplay est plus lent, l’histoire prend son temps et le travail sur les personnages est à des années lumières de ce que nous avait proposé la saga depuis ses débuts : Cory Barlog a mûri, Kratos et God of War aussi. Et même si God of War: Ascension n’était pas un mauvais titre en soi, il fut rapidement oublié, laissé derrière comme le vilain petit canard de la licence.
D’ailleurs, des deux opus sortis sur PS3, il est le seul à ne pas avoir profité d’une remasterisation. Il restera donc un maillon perdu de la chaîne du destin, voulant perpétuer un héritage en oubliant d’être lui-même. Toujours jouable via le PS+ Premium, le titre vaut quand même le détour, rien que pour comprendre ce qui n’allait pas dans ce dernier et se rendre compte des efforts mis en place pour remettre la série sur de bons rails. Si vous désirez approfondir le sujet, nous ne saurions que trop vous conseiller le documentaire Raising Kratos disponible sur YouTube et revenant sur le développement de l’opus de 2018.
La saga God of War fait maintenant un peu partie des meubles dans l’univers du jeu vidéo, et aucun de ces titres n’est vraiment à jeter à la poubelle. Chaque titre vaut le détour, sans pour autant rendre les autres caduques ou datés. Certains osent plus que d’autres, proposent de nouvelles choses, et même si God of War: Ascension n’en fait pas partie, il est le vestige d’une formule que l’on ne retrouvera certainement pas de sitôt, les restes de l’adolescence d’une saga devenue adulte.