Le blog officiel Playstation a interrogé 10 développeurs de jeux-vidéo sur une bien épineuse question. Comment juger le succès d’un jeu : doit-on se fier aux notes des critiques ou aux chiffres de vente ?
Le débat autour de cette question étant toujours très animé, nous sommes heureux de pouvoir lire les avis exprimés par des créatifs et des figures de l’industrie vidéo-ludique. Une bonne occasion de découvrir la façon dont ils conçoivent le succès d’un jeu : business, passion, les deux ? Voici leurs réponses, sans langue de bois.
L’avis de Parrish Ley, Lead cinematic animator pour Bioware
Vous savez quoi ? Ces deux indicateurs sont aussi valables l’un que l’autre, mais le meilleur reste d’avoir la certitude que vous avez fait du mieux que vous pouviez en fonction des moyens techniques dont vous disposiez et du timing imposé. Ce qui compte c’est de prendre du recul et de pouvoir se dire « Ouais, j’ai fais du mieux que je pouvais ». Peu importe que le jeu se vende si vous êtes satisfait du résultat et que vous avez le sentiment d’avoir donné le meilleur de vous-même. Pour moi, c’est tout ce qui importe, sincèrement.
L’avis de Todd Batty, Directeur de création pour EA Canada
Pour moi, ce sont les critiques qui importent le plus et tout particulièrement les avis des fans et de la communauté. Les ventes sont les ventes, c’est un business, et au vu de ma position je suis supposé répondre « les ventes » car si un jeu rencontre le succès commercial, comme SSX par exemple, nous pouvons envisager d’en produire la suite. Mais au final, mon travail consiste à faire un grand jeu, que certaines personnes vont adorer. Les critiques de la presse et les avis exprimés par les fans sont le reflet de la façon dont j’ai fait mon travail.
L’avis de Yann Suquet Producteur associé chez Ubisoft Paris
Vous avez des jeux qui sont tout simplement des chefs-d’oeuvre. Rayman Origins est un chef-d’oeuvre complet. A mon avis c’est le meilleur jeu de plate-forme auquel je n’ai jamais joué. Honnêtement, Nintendo va me tuer, mais je le préfère à Mario. C’est plus profond que Mario dont le mode coop n’en est pas vraiment un. [Dans Rayman Origins] vous jouez les uns avec les autres et les uns contre les autres, dans un environnement hostile : c’est hilarant ! Le jeu ne s’est pas très bien vendu, mais c’est un chef-d’oeuvre absolu. Malgré tout, vous avez besoin de vendre vos jeux si vous souhaitez conserver votre place dans l’industrie. Les entreprises et les éditeurs sont là pour faire de l’argent, cet argent est aussi la seule façon de pouvoir fournir une expérience de jeu satisfaisante pour les joueurs. Sans argent vous ne faites rien : c’est un business. Pour résumer ma position, je dirais que les deux comptent.
Joonas Laakso, Producteur chez Bugbear Entertainment
Honnêtement, c’est difficile à dire. Je dirais les ventes, si je me place du côté de Namco et du marketing, mais pour les studios les notes données par les critiques sont très importantes. Ca sera super difficile pour nous de vendre notre prochain titre si nous ne pouvons pas atteindre un certain niveau sur Metacritic. Personnellement, je n’ai pas envie de travailler sur un jeu que personne n’achète. Pour ce qui est de Metacritic, ce serait formidable pour nous d’atteindre le 80. Une note encore supérieure serait fantastique.
Mike Chapman, Game designer principal chez Codemasters Racing Studio
Je pense que de toute évidence qu’il ya des jeux acclamés par la critique, mais qui se vendent mal malgré tout. à‰videmment, la meilleure situation possible est d’avoir les deux. Quand vous pouvez capitaliser sur la réussite commerciale, vous pouvez continuer à produire des jeux de cet acabit et aller de l’avant qualitativement. Un grand nombre de développeurs ont beaucoup de bonnes idées, sortent leur premier jeu et n’ont jamais l’opportunité de faire une suite. Pour prendre un exemple, la licence Uncharted : le premier opus était déjà un excellent jeu, les suites ont poussé le concept encore plus loin. On pourrait dire la même chose au sujet de la série Half-Life qui a évolué et évolué encore. Valve a pu développer cet univers et le faire grandir. Sans bons résultats commerciaux, ils n’auraient jamais pu le faire.
Mark Mainey, Producteur chez Gusto
En définitive, je dirais les ventes, parce que c’est la façon d’être numéro un dans les charts. Après tout, il s’agit d’un business, être en haut des charts signifie que vous pour pourrez faire un autre jeu. à‰videmment, critiques et ventes sont liés. Une bonne critique c’est, je pense, une meilleure opportunité de parvenir en haut du classement. J’imagine que ce n’est pas toujours le cas. Parfois vous obtenez un 9/10 pour un jeu qui a tout simplement une cible trop petite pour vraiment réussir. Un jeu noté 3/10 peut se vendre grâce à l’aura d’une licence et d’un budget publicitaire de grande envergure.
Kazutoki Kono, Producteur, Namco Bandai
C’est une question très difficile. Personnellement, je veux toujours obtenir de très bonnes notes. Mais si mon jeu est bien noté et que personne ne l’achète… (rires). Il est censé obtenir les chiffres de vente élevés … si c’est un bon jeu, c’est ce qui est arrive. Ce qui est important concernant les ventes de jeux est que ce sont elles qui permettent à l’équipe de développement de vivre. Je suis le producteur d’une grosse équipe, j’ai besoin de payer correctement mes employés pour le travail qu’ils font, c’est pour cette raison que les ventes sont vraiment importantes. Il est vraiment difficile pour moi de décider lequel des facteurs est le plus important.
Gareth Edmondson, Directeur des Jeux Thumbstar
Critiques et ventes sont liées mais pas obligatoirement, nous pouvons considérer que c’est une réussite dans les deux cas. Le plus important ? Probablement les ventes au final, parce que nous sommes avant tout une entreprise. Mais nous sommes également des créatifs, nous voulons que les gens aiment ce que nous faisons. Il existe une corrélation entre ces deux aspects. Parfois, vous obtenez des anomalies, bien sûr, mais je préfère les bons jeux qui se vendent bien aux bons jeux qui se vendent mal. Et je préfère faire de bons jeux plutôt que des jeux de merde. Donc, si je devais choisir un des critères, je dirais que c’est les critiques qui sot les plus importantes. Les chances de succès sont bien plus élevées qu’on reçoit de bonnes critiques.
Richard Ham, consultant Freelance
Les critiques, totalement. Les ventes de jeux ne sont pas mon rayon, c’est celui du marketing. Je suis convaincu que le plus important est de faire un jeu dont on peut se sentir fier, dont tout le monde dans l’équipe est fier, même si le succès commercial n’est pas toujours au rendez-vous, même si seules 50.000 personnes y jouent. Ce seront 50.000 personnes que vous aurez pu toucher, ne serait-ce qu’ un tout petit peu, parce qu’ils ont éprouvé du plaisir à jouer votre jeu.
Sion Lenton, Studio Manager, Sega
C’est une question difficile. Je serais probablement d’avis de dire : les notes. J’ai joué à quelques excellents jeux qui ne se sont pas très bien vendus, mais j’ai toujours pensé qu’ils étaient super. Je ne pense pas que je pourrais faire un jeu juste dans l’optique de bien le vendre. C’est formidable de faire un jeu qui réussisse sur ces deux aspects, mais je pense que des commentaires de mes pairs et de l’industrie en général est plus valorisante. Ne vous méprenez pas, je serais heureux que le jeu se vende bien, mais être reconnu par ses pairs pour sa créativité, ses innovations et un superbe gameplay est une récompense en soi.
A vous la parole ! A qui, ou à quoi, accordez-vous votre confiance pour estimer la qualité d’un jeu avant de l’avoir essayé ?